LA RÉFORME DE LA DÉCHÉANCE DE NATIONALITÉ OU L’IMPROVISATION POLITIQUE

Suite aux attentats perpétrés à Paris au cours de l’année 2015, le Gouvernement français sous le feu des critiques, cherche à restaurer son autorité par l’adoption de mesures symboliques et notamment en annonçant la déchéance de nationalité pour les français reconnus coupables de terrorisme.

Comme l’affirme le politologue Laurent DE BOISSIEU, la possibilité de retirer la nationalité d’un « traître » à son pays est un thème récurent depuis la Révolution française et depuis l’article 5 de la Constitution de 1793.

A ce titre, le 13 novembre 2015, le Président de la République François HOLLANDE proposait d’étendre la déchéance de nationalité aux terroristes plurinationaux nés en France.

Effectivement, l’article 25 du Code civil ne prévoit la déchéance de nationalité que pour un individu ayant acquis la nationalité française.

En outre et dans ce cas, la déchéance peut être prononcée si les actes de terrorisme reprochés se sont produits antérieurement à l’acquisition de la nationalité française ou dans le délai de quinze ans à compter de la date de cette acquisition.

Cependant, la proposition du Président de la République apparaissait comme une atteinte directe à la Constitution dans la mesure où elle crée une inégalité des français devant la loi.

Pour y remédier, le pouvoir exécutif évoque, le 4 janvier 2016, la possibilité d’étendre la déchéance à l’ensemble des français.

Le 6 janvier dernier, le gouvernement de Manuel VALLS renonce finalement à cette idée estimant que la France ne pouvait rendre ces citoyens apatrides en raison des valeurs qu’elle prône et compte tenu de l’état du droit international.

Face à ces doutes et ces rétropédalages gouvernementaux, bon nombre de professionnels du droit s’étonnaient de telles annonces en raison des dispositions juridiques déjà existantes.

En effet, l’article 23-8 du Code civil précise les conditions de « perte » de nationalité pour « le Français qui, occupant un emploi dans une armée étrangère, n’a pas cessé son concours nonobstant l’injonction qui lui en aura été faite par le Gouvernement ».

Charles PRATS, magistrat à la Cour d’Appel de PARIS et membre du conseil scientifique du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques (CSFRS), met en lumière l’efficacité de cet article qui permet de retirer la nationalité aux djihadistes français engagés auprès de l’État Islamique en 15 jours.

Cette possibilité est envisageable puisque les conventions internationales interdisant l’apatridie n’ont pas été ratifiées par la France et que la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme n’est pas applicable pendant l’état d’urgence.

En conclusion, et au-delà de l’arbitrage politique qu’implique un tel sujet, le gouvernement dispose déjà d’une mesure particulièrement efficiente remettant en cause l’intérêt d’une réforme annoncée de la Constitution.